La Nuit de Mai

O printemps, camarade des âmes, La nuit, lorsque, ployant le front extrême, Je lève mes pensées et mes flammes, Et puis les rends triste et blême.

Je sens dans l’air parfumé, le cœur et les rêves, La terre qui sourit ! Les fleurs et l’eau, tout s’éveille; Et l’horizon chantant t’enlève, Comme un amant qui te sommeille.

Dans mon cœur comme dans l’azur, Voici que je poursuis un vent pur, Ramenant par la douceur des pleurs Les souvenirs de mes malheurs !

Ah ! que le jour est beau sur les toits qui s’allument, Et que la nuit est pleine, au fond des cimes ! Je vais, je vais, l’ombre et la brume Me guideront jusqu’à leurs rimes !

Et si nous revoyons le temps de notre enfance, Quand je me taisais devant l’eau sacrée, La beauté m’offrait sa danse Et la nature était recommencée.

  • Alfred de Musset